Lutter contre la pauvreté (I) Le développement humain – Esther Duflo

Lutter contre la pauvreté (I) Le développement humain - Esther DufloEsther Duflo, professeur en économie du développement au MIT, a été récompensée par la John Bates Clark Medal 2010 fin avril. Ses travaux portent sur l’analyse empirique du développement économique, afin d’identifier les moyens concrètement efficaces dans la lutte contre la pauvreté. Dans Le développement humain et La politique de l’autonomie (issus de leçons données au Collège de France en janvier 2009), Duflo a rassemblé des travaux réalisés ces dernières années dans les parties du monde les plus touchées par la pauvreté, et a tâché d’identifier les ressorts et les spécificités de l’efficacité ou l’inefficacité de chaque type de politique.

Le développement humain se concentre sur l’éducation et la santé. Au-delà de l’impressionnant travail de collecte, d’analyse et de regroupements de nombreuses études réalisées ces dernières années, dont certaines sont encore en cours, l’aspect le plus intéressant de ce livre est de montrer à quel point il est nécessaire de dépasser l’aspect général béni oui oui « il faut que les enfants aillent à l’école » ou « la santé, c’est important » et s’attacher aux raisons des échecs (et des rares succès) des politiques menées.

Ainsi, dans le domaine de l’éducation, l’important n’est pas d’avoir un engagement politique fort des dirigeants nationaux, mais bien d’allouer des moyens, et de les allouer correctement. Par exemple, certains travaux montrent que ce n’est pas en affectant plus de professeurs qu’on obtiendra les meilleurs résultats, mais plutôt en changeant la façon dont les professeurs abordent leur travail: instruire le plus grand nombre plutôt que d’essayer de générer une élite et écarter les autres. Certes, l’exemple présenté ainsi peut paraître réducteur, aussi, je vous encourage à lire ce livre, dont les différents exemples montrent à quel point les études mettant en œuvre des expérimentations aléatoires sont critiques pour mesurer clairement les différents facteurs d’un phénomène (via des échantillons statistiques définis aléatoirement et comportant un groupe témoin et un groupe impacté).

Autre étude intéressante: comment améliorer le taux de présence des professeurs dans les classes? Une expérimentation menée par Seva Mandir, une ONG du Rajasthan, a consisté à distribuer aux enseignants des appareils photos qui horodatent les clichés, et qui leurs permet de toucher une prime quand l’assiduité est élevée. Non seulement l’assiduité a augmenté, mais surtout, et à la surprise de l’ONG, les enseignants se sont révélés satisfaits de ce programme: au-delà de l’incitation financière, l’instauration d’une règle claire et partageable leur a permis de se dégager des autres tâches qu’on leur affectait dans leurs villages, qui les empêchaient d’enseigner plus régulièrement. L’absentéisme des enseignants ne provient donc pas que d’un manque de motivation, mais aussi d’un problème de définition des priorités.

Dans le domaine de la santé, une expérience similaire a été menée pour améliorer le taux de présence des infirmières dans les centres de soin: on a mis en place des appareils de type « pointeuses ». Cette expérience a totalement échouée, car, contrairement à l’expérience avec les enseignants, il s’agissait dans ce cas d’un système plus centralisé et moins contrôlé. L’écart entre ces deux études montrent également à quel point le diable est dans les détails, et qu’il est difficile de tirer de grands enseignements de la part d’expérimentations aléatoires, car tous les éléments doivent être identifiés et pris en compte.

En conclusion, on voit clairement qu’il est possible d’améliorer l’éducation et la santé dans les pays pauvres, mais qu’une grande partie des problèmes sont issus de problèmes de gouvernance: au niveau national / centralisé, les programmes sont trop vagues, peu structurés, et ne peuvent donc pas s’adapter aux spécificités des domaines et des géographies qu’ils sont censés couvrir. Les systèmes centralisés ont tendance à simplement allouer plus de ressources (financières ou humaines) à ce qu’ils font déjà, alors que les ONG sont génératrices d’innovations qui, si elles ne peuvent pas forcément êtres répliquées partout, ont le mérite de fonctionner à petite échelle, et surtout, de montrer ce qui peut fonctionner. Les éléments rassemblés dans ce livre permettent d’éclairer la réflexion sur les objectifs et les moyens à donner aux systèmes éducatif et de santé, intimement mêlés.

La suite dans: Lutter contre la pauvreté (II) La politique de l’autonomie

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